Déjà cinq mois écoulés depuis cette course effectuée le 15 août 2022, l’occasion de revenir un peu sur cet événement alors que j’entame une préparation pour un nouvel
Ironman prévu en juillet cette année…

Des premières idées aux ambitions plus concrètes

Avant même de commencer le triathlon, je voulais un jour arriver au bout d’un format Ironman, c’était comme un objectif de vie, un rêve qui me paraissait réalisable, mais qui restait encore lointain.
Le format Ironman, c’est la distance ultime en triathlon : 3,8 km de natation, 180 km de vélo et un marathon soit 42 km de course à pied, le tout enchaîné : une même épreuve, une seule journée de course.
C’est sans doute le film De toutes nos forces, de Nils Tavernier, qui a été l’élément déclencheur de ma volonté, alors que j’avais 14 ou 15 ans, un âge où je rentrais au lycée. À l’époque je faisais simplement du tennis une à deux fois par semaine, un peu curieux de tous les sports en loisir, sans plus. En première, alors que j’envisageais débuter le vélo de route en compétition, mes parents furent très réticents vis-à-vis de cette idée avec les années charnières du bac et des études supérieures qui approchaient. Et moi j’hésitais. J’ai alors fait le choix des études, en poursuivant en classes préparatoires scientifiques, avec la promesse qu’un jour, j’aurai un vélo de route et que je ferai un triathlon. Mais aujourd’hui je suis convaincu que la pratique sportive est compatible avec les études, je dirais même complémentaire.

 

À Noël 2018, après deux ans de classes préparatoires, j’achète mon premier vélo de route. C’est un premier rêve qui se réalise, avec la possibilité de pratiquer ce nouveau sport, et de me lancer éventuellement sur un triathlon. Un ami m’encourage alors à m’inscrire avec lui au triathlon longue distance de l’Alpe d’Huez pour 2019. 2,2 km de natation, 118 km de vélo avec 3 200 m de dénivelé positif puis 20 km à pied : un objectif plutôt corsé pour une première expérience, sans préparation véritablement adaptée. Je me connais relativement endurant, j’ai l’envie d’aller au bout et je termine ce premier triathlon en un peu plus de 10 heures. Une première réussite qui me donnera le goût de poursuivre. Suivent les années 2020 et 2021, où je m’inscris en club de triathlon. Je réalise d’autres projets sportifs malgré la pandémie, comme un swimrun et un tour de France en itinérance à vélo. Et aux vacances de Noël 2021, mon ami Clément, le même qui m’avait poussé à faire le triathlon de l’Alpe d’Huez, me parle de l’EmbrunMan. 3,8 km de natation, 185 km de vélo avec 3 600 m de dénivelé positif, 42 km à pied : un triathlon « de l’extrême », en particulier avec son parcours vélo en montagne, digne d’une étape du Tour de France. C’est une distance dite « Ironman » – Ironman étant une marque, tous les triathlons de cette distance ne sont pas forcément labellisés « Ironman ». Je n’envisageais pas de faire déjà un triathlon de ce format mais Clément se lance sur une préparation spécifique et je décide de le suivre, sans m’inscrire à la course, pour le moment…

     

Une préparation inédite

La préparation s’étale sur 8 mois, de janvier à août 2022. Pour moi, 8 mois d’organisation, de compromis, entre entraînements, cours, examens, changement de parcours professionnel, déménagement, entre autres : on s’adapte. Pour revenir brièvement sur la complémentarité du sport avec les études, j’ai réussi tous mes examens de cette année ainsi que l’orientation professionnelle que je voulais, et je n’ai jamais fait autant de sport qu’en 2022. Avec le temps, alors que je suis assidument les entraînements, je commence à réfléchir sérieusement à m’inscrire à l’EmbrunMan. Cependant un événement vient tout remettre en question : une grave chute à vélo pour Clément, des vertèbres tassées, une opération, et beaucoup de doutes concernant une suite sportive… Je continue à m’entraîner de mon côté, mais, même si nous étions éloignés – lui à Nantes et moi dans le sud de la France, j’ai le sentiment de perdre un copain d’entraînement. Lui est inscrit, et moi non, et pourtant, lui est allongé et a du mal à marcher, et moi j’enchaîne les entraînements. Une rééducation progressive et une grande détermination feront remonter Clément sur un vélo et il se décide de maintenir son objectif d’EmbrunMan. Son abnégation m’inspire et me motive à poursuivre les entraînements : je m’inscris à mon tour à l’EmbruMan 2022, pour que nous soyons tous les deux finishers.

À chaque réveil matinal je visualise ce matin du 15 août où je partirai nager avant même le lever du soleil… Chaque entraînement me fait penser à cet objectif, qui devient presque une obsession. Mais plus j’avance, plus je me vois progresser et plus je me dis que je peux arriver au bout du triathlon réputé comme l’un des plus durs au monde. Mon rêve sportif peut être réalisé cette année. Je me retrouve début août en sachant que je peux le faire. J’ai hâte d’en découdre, je veux réaliser ce rêve. Il est possible. Alors je vais le faire.

 

Déroulement de la course

15 août 2022, réveil à 3 h 45 du matin. Le jour tant attendu depuis des mois est arrivé. Je nous imagine déjà le soir même avec Clément et nos deux médailles de finishers. Mais le travail reste à faire. La nervosité se fait sentir, après l’arrivée à Embrun, la récupération des dossards et la dépose du vélo la veille, nous voilà dans l’aire de transition à quelques minutes du départ.
Derniers encouragements mutuels, on se dit « à tout à l’heure » en attendant le départ. 6 h du matin, départ de la natation. L’obscurité, la foule, le bruit, la brume, l’ambiance est unique, c’est la concrétisation de 8 mois à se projeter ces moments. « Nage droit devant toi », le maître mot de la natation. De temps en temps, je regarde devant et aperçois des bras qui sortent de l’eau dans le brouillard. Ça doit être la bonne direction. 1 h 5 min comme cela et je sors de l’eau, il fait maintenant jour. Satisfait de mon temps, même si quelques minutes sont anecdotiques sur une telle épreuve, je reste motivé.

Je ne m’attarde pas à la transition, je n’ai qu’une envie, partir à vélo ! Je pense partir à la suite de Clément, bon nageur, mais j’apprendrai plus tard qu’il est sorti après moi du parc à vélos. Le vélo, c’est ce que je préfère en triathlon, je me connais, je gère mon effort dans les montées et je me régale en vitesse sur les prolongateurs quand c’est plus plat. Plus de 28 km/h de moyenne au pied du col d’Izoard, je sais que je suis parti fort pour mon niveau. Au meilleur de la course, je serai 108e au classement général. Le début de l’ascension se passe bien mais la deuxième partie est plus dure, surtout les derniers kilomètres après la célèbre Casse déserte, où je me sens un peu frileux et à bout de souffle. Vivement la bascule. Je ne traîne pas en haut, j’ai hâte de retrouver la chaleur un peu plus bas. Je me sens bien mieux en passant à Briançon. Je laisserai des forces sur le vélo mais je n’aurai pas de regret et j’irai au bout. La côte de Pallon reste gravée dans ma mémoire, on aurait dit une ambiance de Tour de France ! C’est vraiment cela la magie de l’EmbrunMan, la ferveur des supporters et des bénévoles qui encouragent chaque coureur. Je pose le vélo en 7 h 20 min, 120e, il est à peine 14 h 30.

C’est parti pour le marathon, je sais que mes jambes ont donné beaucoup sur le vélo, mais je sais aussi que même en marchant je pourrai aller au bout. Je viens de finir le vélo de l’EmbrunMan, j’irai maintenant au bout de la course. En sortant du parc à vélos, je croise Yann, un ami venu m’encourager, quelle belle surprise et quel plaisir de le voir me soutenir ! Cela me donne du baume au coeur pour le premier tour, et pour les 2 autres il sera aussi là pour me motiver. J’en ai bien eu besoin car dès le premier tour – de 14 km tout de même – je sens que le marathon sera long. Au deuxième tour, en effet, je me vois marcher et j’ai tout le temps soif. Sans m’effondrer pour autant, je ralentis bien jusqu’au troisième tour, où j’ai vraiment eu un gros coup de chaud à la fin de la montée. Mais ce sera la dernière de la journée, je vais au bout de ce dernier tour, sous les encouragements chaleureux partout dans Embrun. Les deux derniers kilomètres sont incroyables. Il faut être sur la course pour vivre ces émotions : une foule tout le long, je me rends compte que je suis réellement au bout de l’EmbrunMan, je viens à bout du Mythe. Dernier virage, cette fois je vais dans le couloir qui file vers l’arrivée. Je vois l’arche, le chrono, le public de tous côtés. Quelle émotion ! Je l’ai fait ! Je termine ce marathon en 4 h 33 min, pour un temps total de 13 h 9 min sur l’EmbrunMan. Cela qui me place 197e au classement général, pour 725 classés – 839 partants mais 114 n’iront pas au bout. Le temps reste anecdotique au regard du bonheur de voir mon rêve concrétisé.

C’est déjà fini, c’est presque passé trop vite alors que le vainqueur est déjà arrivé depuis plus de 3 h 30… Mais place à la récupération, je savoure, je partage ces moments avec les finishers autour de moi. On discute, on profite des massages pour aider un peu à la récupération. Mais Clément est encore en course. Alors je retourne marcher autour du parcours à sa recherche. J’apprends via le site de la course qu’il en est dans le dernier tour. Lui aussi ira au bout ! Je suis ses derniers hectomètres pour partager avec lui la joie de boucler cette aventure sportive. Nous sommes bien tous les deux finishers de l’EmbrunMan !

La soirée est ensuite simple, on mange un peu, on reste calme et on va s’endormir bien fatigués, les jambes courbaturées. Finalement, c’est passé vite. Et quelque chose me dit qu’on voudra revivre des émotions comme celles-ci.

 

De nouvelles aventures ?

Ce résumé de course, je l’avais écrit pour moi environ deux semaines après la course, afin de garder une trace de ces souvenirs, de ces émotions. On entend parfois des réactions de personnes qui finissent un marathon ou un triathlon comme celui-ci affirmer « plus jamais cela », ou bien « c’est le dernier » – même si on retrouve souvent les mêmes personnes sur des épreuves plus tard. Pour ma part, même si j’étais bien fatigué après l’arrivée, j’avais le sentiment d’avoir trouvé ce qui me passionnait. Je ne voulais pas me précipiter à m’inscrire pour une nouvelle course mais j’avais en tête de finir un Ironman en 2023, avec la possibilité de faire un bon classement dans ma catégorie d’âge 18-24 ans puisque j’aurai 24 ans en 2023. Et c’est bien mon objectif sportif de cette année 2023, puisque je me suis inscrit à l’Ironman de Vitoria-Gasteiz. Rendez-vous le 16 juillet !

Baptiste Nourry
Membre du conseil d’administration de l’amicale.