Jacques DUMERIL sur un chariot équipé de roulettes (de gros roulements à billes de récupération) réplique, réalisée de mémoire, des chariots construits par les adolescents dans les années 50 avec lesquels ils dévalaient, avec un bruit infernal, les rues (sans pavés) en pente de la ville ou l’espace autour du marché de Talensac.

Interview exclusive de son créateur, Jacques DUMÉRIL

QUE RENFERME CETTE EXPOSITION ?

C’est une « mosaïque » de mémoire(s) : l’évocation d’un choix d’une vingtaine de domaines de vécu quotidien. Chaque domaine est subdivisé en thèmes, au total plus de 140 sont évoqués dans l’exposition, à l’aide d’objets, de documents iconographiques, de dioramas, de reconstitutions et de textes…

LA GENESE DE L’EXPOSITION ou GENESE D’UNE EXPOSITION

Elle se décompose en plusieurs étapes :

Le terrain :
Jacques DUMÉRIL a toujours été curieux de nature, avec un intérêt particulier pour les sciences, l’histoire, l’enseignement… Une de ses spécialités
a été l’information grand public au moyen de présentations didactiques où le visuel et l’expérience pratique jouent un rôle de premier plan, le but étant
d’initier le plus grand nombre à des phénomènes parfois complexes et souvent encore peu vulgarisés (thématiques de l’environnement par ex.).
Il a une passion pour la création personnelle, aussi bien manuelle qu’intellectuelle. Or, « dans les années 50, les jeunes générations, pourtant plongées dans la misère matérielle, font preuve d’un surprenant esprit de créativité. La misère matérielle du moment est à la fois un frein et un
irrésistible moteur à l’imagination, à l’esprit d’invention… ».

La graine :
Une rencontre courant 2014 avec Bernard ALLAIRE (qui a été Président de notre amicale) et Jean-Louis LITERS (Président du Comité de
l’Histoire du lycée CLEMENCEAU) avec l’évocation des activités de l’Amicale et la recherche de nouvelles animations a été déclenchante.

La germination :
Entre plusieurs voyages et rencontres nantaises,
l’idée fait son chemin. Jacques va travailler plusieurs années à son projet en solitaire, à plus d’un millier de kms de Nantes.

Eléments déclencheurs :
Ce sont les objets abandonnés dans la cave et le grenier de ses parents, appartenant souvent au quotidien, sans intérêt pour la majorité des gens,
mais qui pour lui parlent du passé des années cinquante à Nantes.
Il a été par exemple très intéressé par la politique des musées de la SUISSE où il vit et aussi par l’exposition faite à Saint-Nazaire retraçant la vie des Nazairiens au lendemain de la guerre – En Suisse, les musées stockent dans de vastes dépôts des objets, voués à la disparition, de la vie au 20ème
siècle. Dans son travail il entretient aussi d’étroits contacts avec les « Archives sociales suisses ».

La composition de l’exposition :
UNE EXPO SUR UNE ÉPOQUE CHARNIÈRE.

Il lui a fallu imaginer l’intégration de ces objets dans un ensemble : « une exposition », capable d’évoquer ce qu’il a vu et vécu dans nos jeunes années. Le passé présenté constitue une vraie période charnière de notre histoire : une collision entre plusieurs mondes…

D’abord, le monde des années 20 et 30 « l’Avantguerre », qui va perdurer, figé dans son développement par le monde de la seconde guerre mondiale, avec l’occupation – les heures tragiques dans laquelle notre petite enfance a baigné – Puis, la Libération, « l’Après-guerre »… décor rude de notre enfance, longtemps gris, mais aussi ô combien vert d’espérance. Enfin – les débuts de la civilisation de consommation, avec le vertige de ses bouleversements: reconstruction, marée automobile, afflux des populations rurales vers Nantes, disparition des petits commerces, multiplication des atteintes à l’environnement… vécus comme adolescents et bientôt comme jeunes hommes.

Sachant que dans son panorama, ces périodes disparaissent ou apparaissent souvent très progressivement et perdurent longtemps superposées. Pour l’enfant le temps s’écoule lentement. Il a focalisé son évocation surtout sur les années 45 à 55. Il lui a fallu se limiter, en raison de la place disponible et des lacunes de sa documentation visuelle. Il n’a pas cherché à dater avec précision ses souvenirs, ce sont des évocations intensives mais souvent furtives. « J’utilise le nous et rarement le je ; je partage mon vécu d’abord avec ma famille, puis surtout avec Guy Lebeau mon camarade, et toute une communauté d’amis souvent mes ainés. »

Cette exposition a été rendue possible grâce au volontarisme de l’Amicale qui a su mettre en œuvre les moyens humains, matériels et financiers nécessaires et convaincre Madame la Proviseure et son équipe de l’interêt de cette initiative. L’Amicale remercie le Lycée Clemenceau pour son accueil et notamment pour la mise à disposition du Parloir.

BUT RECHERCHÉ 

« Puisse, cette exposition, réalisée avec de très petits moyens, être un modeste témoignage du passé – pour les jeunes générations, nos propres enfants et petits enfants – pour tous ceux nostalgiques de cette époque qui y (re)trouveront des souvenirs précis ou palpables (leurs souvenirs, nos souvenirs communs, et mes souvenirs). Mais, c’est aussi un appel à la réflexion : le visiteur ne manquera pas d’établir des comparaisons entre ce passé et le monde actuel – et aussi, je le souhaite, de réfléchir dans son contexte aux sens donnés à des mots comme progrès, modernisme, et pourquoi pas bonheur… Découvrez, comme moi, la richesse, matérielle mais aussi humaine, qui se cache dans tant de ces étincelles de temps ».

Evelyne KIRN d’après les propos de Jacques DUMÉRIL 

Photos : Bernard ALLAIRE

Dans l’exposition, les souvenirs de la guerre ont inévitablement aussi leur place. Dans les années 50, c’est le passé encore récent de l’enfant, de l’adolescent… Il y a vu le jour, il en sort, il en vient.

Photos : Bernard ALLAIRE

Jacques DUMERIL Né en 1939 à Nantes, d’une mère institutrice et d’un père agrégé d’allemand, docteur en lettres, professeur au lycée Clemenceau et directeur de l’Institut supérieur des Lettres de Nantes (devenu depuis la Faculté des Lettres). Il a fait ses études à l’école de la rue Noire puis à Clemenceau, au Collège moderne. Titulaire d’une licence et d’une maîtrise de sciences naturelles, il enseigne de 1966 à 1974 notamment à Clemenceau et Jules Verne. Il se marie en 1966 avec une enseignante suisse. Le couple aura trois enfants. En 1974, la famille part pour la Suisse. Jacques Duméril entre au WWF suisse et y reste jusqu’à sa retraite, il y exercera de multiples fonctions au service de presse et dans le domaine de l’éducation à l’environnement. Il est membre d’honneur du WWF. A Nantes, il a été co-initiateur puis responsable du Mémorial de l’Edit de Nantes et initiateur de la plaque rappelant l’Edit de 1598 au château des Ducs. Il se partage désormais entre la Suisse et la Baule où il retrouve ses deux frères, Jean et Pierre-Louis.